Mardi 08/10/2024
Aléa climatique… la nuit a été très pluvieuse et le matin est arrosé, il a fallu se couvrir en conséquence et pourtant l’été n’arrive pas à disparaître complètement, il fait encore chaud, même à sept heures du matin. Mais cette petite pluie chaude fait naître des sensations que j’ai toujours trouvées agréables. L’air ambiant devient confortable, accueillant, on se sent bien à l’intérieur comme à l’extérieur. Peut-être cela renvoie-t-il au monde intra-utérin, à cette sensation de ne former qu’un avec son environnement. Il se peut que ce soit ce que l’on recherche au plus profond de nous : l’harmonie universelle entre le macrocosme et le microcosme, la disparition de cette barrière physico-psychologique qui nous sépare du grand tout. C’est exactement ce que je ressentais, petit, lorsque je raccompagnais mon meilleur ami chez lui, sous la pluie estivale, me laissant inonder par ce fluide bienfaiteur, et qu’il me raccompagnait ensuite, pour que je refasse de même plus tard, alors que sa mère s’inquiétait de nous voir dégoulinants mais hilares et ravis. Cette impression de me couler au sens propre dans le grand univers, dans les éléments bruts, je la retrouve souvent avec une béatitude profonde.
Mercredi 09/10/2024
A l’occasion d’un repas chez des amis, dimanche, j’ai eu le malheur de reconnaître un tableau de jeunesse de Goya, sur une étiquette de bouteille de vin. Et ce fut alors un jaillissement d’exclamations surprises, étonnées, de marques d’admiration diverses : « je n’oubliais rien », « j’étais atteint d’hypermnésie », et j’en passe.En venant à la gare, sur mon vélo, ce matin, je me suis aperçu que même dans la nuit finissante, je ne pouvais m’empêcher de faire aller mes yeux partout, sur les gens croisés, les remparts humides, la circulation, des fenêtres éclairées, la végétation. Et la somme de choses remarquées, notées dans mon esprit, m’a paru vertigineuse. Mais c’est là, je pense, la raison de cet encombrement de pensée qu’on peut appeler « mémoire », dans cette acuité de l’œil à tout regarder, tout scruter, avec intérêt, c’est à dire en créant des connexions, des liens, une « connaissance », au sens propre. Cet intérêt pour les choses explique peut-être que le souvenir se fixe, qu’il vient prendre place dans un cadre mémoriel qui fait sens, et qui devient plus facilement mobilisable. D’où cette impression d’hypermnésie qui est en réalité le recours à une logique interne, à un univers mental construit et organisé.
Jeudi 10/10/2024
Je repensais ce matin à tous ces élèves que j’ai eus devant moi, en classe. J’en croise certains parfois, adultes, le plus souvent occupés à de petits emplois, modestes mais solides, et l’on se dit qu’on a peut-être apporté sa petite pierre à l’édifice. Mais les autres, ceux que l’on ne croise plus, ceux qui ont disparu des radars… On le sait, certains ont suivi des voies peu recommandables et sont à présent dans des lieux idoines dont ils ne sortent que rarement, carcéraux ou « du quartier ». Mais l’immense majorité des autres… que sont-ils devenus ? Grands destins, drames, installation dans une vie invisibilisante ?… Les réseaux sociaux aident à se faire une idée, mais une idée seulement. Ce sentiment de lâcher des bébés dans la jungle sans savoir ce qu’ils deviennent est à la fois source de frustrations mais aussi d’espoirs. Et que dire lorsqu’on rencontre sur le quai de la gare tel petit garnement qui prépare son diplôme d’expert comptable, ou quand on voit débarquer en salle des professeurs la jeune fille turbulente devenue enseignante ?
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