Jeudi 21/11/2024
Hier, c’était anniversaire au goût italien… et il m’est revenu ce matin ces goûts d’Espagne, Espagne que j’ai déjà évoquée ici naguère. Il me revient en bouche le goût du miel que nous achetions au pied de l’immeuble de la station balnéaire où nous passions une partie de l’été. Ce miel était doux, mais avec un goût de rayon de cire assez marqué. La marchand qui le vendait le transportait dans de grands contenants pendus à une barre qu’il portait en travers des épaules, comme on le voit encore en Asie du sud-est. Le miel était crémeux, épais, blanc, mais ce goût est à jamais associé au soleil espagnol, à l’odeur des tamaris et des oyats dans les dunes. Au pied de l’immeuble, le marchand de beurre garait souvent sa camionnette remplie de seaux pleins de ce qui devenait alors le premier mot que j’appris dans la langue de Cervantès : le « mantequilla ». Là encore dans mon souvenir, le goût était rustique, mais emplissait la bouche au petit déjeuner. Et puis certains jours j’étais invité chez les Barnier, dont les enfants avaient à peu près mon âge, et nous mangions au restaurant près de l’embarcadère pour Santoña, à l’entrée de la ria. On y mangeait une tortilla, toute simple, mais dont le goût, mélange de pommes de terre bien cuites avec des oignons et d’œufs à la fois fermes et savoureux comme des œufs brouillés, est encore dans ma bouche presque cinquante ans plus tard.
Vendredi 22/11/2024
Il est certes bon que la soif de dignité individuelle pousse, de nos jours, à faire la chasse à tous les préjugés et stéréotypes, voire à déconstruire des schémas de pensée qu’on avait fini par trouver acceptables. Cela est très sain. Mais comme dans toute évolution sociale et culturelle, la stupidité fait naître des attitudes intransigeantes, hostiles, créant plus de conflits qu’auparavant. On dira que c’est un mal pour un bien, voire… Mais il est dommage que la raison ne guide pas à tout moment nos choix de prise de position, d’action. Ainsi, dans un livre grand public d’un humoriste actuel, on trouve la confrontation de deux citations, une de Rousseau condamnant sans nuance l’esclavage et l’autre de Sébastien Mercier racontant que Rousseau, sur les quais de Paris, rit d’un noir portant un sac de charbon et du fait qu’il n’aura pas besoin de se laver en rentrant chez lui étant déjà noir, ainsi « chacun est à sa place ». On a probablement ici la critique d’un philosophe cachant un profond racisme derrière un masque de sagesse. Or, s’il est difficile de se mettre à la place d’un homme du dix-huitième siècle dont l’environnement social est essentiellement blanc, il faut peut-être se dire qu’il considère un être différent comme un objet de curiosité, persan, noir ou « cannibale ». Et ce que dit Rousseau ne relève probablement pas d’une vision raciste telle qu’on l’entend aujourd’hui. Il fallait une parabole pour illustrer son propos et un boulanger européen, blanc de farine, dans un village africain aurait probablement conduit à la même remarque. Cette obsession d’une bienséance inquisitoriale, aujourd’hui, ne peut conduire qu’à des sociétés totalitaires…
Lundi 25/11/2024
En fin de semaine dernière, une collègue me disait son petit plaisir de ne pas travailler le lundi car elle n’aimait pas l’ambiance du dimanche soir, ambiance de reprise, fin d’une pause bienvenue. Je lui répondis que je me souvenais de ce sentiment, mais il était bien lointain, enfoui dans ma mémoire. La première chose qui me revient est le bain que nous prenions, collectivement avec mes frères. Le moment était joyeux, dans la baignoire, à jouer, à se construire une imagination aquatique, mais dans l’ensemble c’était bel et bien frappé du sceau de la « fin » d’une parenthèse enchantée qui se refermait. Nous avions vécu hors des contingences matérielles jusque là : cabane dans les bois, « espionnage » des voisins, exploration de « la grotte » voisine… Et le crépuscule du dimanche correspondait à une plongée dans la nuit de la routine scolaire, les levers matinaux, la vie sociale, les résultats… Mais cela passait vite et le week-end revenait, et le dimanche soir… Après cinquante ans, le rythme est le même : classe en semaine, vacances, week-end, mais l’angoisse du dimanche soir a disparu, au profit de la joie de retrouver les élèves, même si parfois on est un peu « charrette », un peu à la bourre, mais aucune inquiétude n’y est liée, aucun sentiment négatif, au contraire !
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