vendredi 13 juin 2025

 

Vendredi 13/06/2025


Plus il fait jour le matin et plus il y a de gens dans la rue à des heures où il n’y avait pas grand monde auparavant. Le phénomène est curieux (pourquoi l’activité s’intensifie-t-elle avec plus de lumière ?…) mais compréhensible. Cela a pour conséquence que le matin, sur le chemin de la gare, on croise de plus en plus de monde, de plus en plus de visages, d’expressions, de personnalités. Et c’est une chose qui m’a toujours émerveillé, voire fasciné. J’ai voyagé dans de nombreux endroits, parfois très peuplés comme l’été dans les pays méditerranéens, comme à Paris, New-York, les grandes métropoles américaines, du Pérou ou d’ailleurs, un peu en Asie, et à chaque fois on croise des centaines, des milliers de visages sans qu’aucun ne soit jamais totalement semblable à un autre. Cela me laisse pantois à chaque fois. Ce nombre incalculable d’individus, tous différents, est vertigineux. Et ceci ne concerne que leur aspect physique, le premier abord qu’on peut avoir de toutes ces individualités. Que dire du monde intérieur, complexe et infini, empli d’envies, de désirs, d’espoirs, de rêves, d’affects divers, de représentations du monde, qui se cachent derrière touts ces visages différents ? Dans ces foules anonymes du monde entier, comme le matin en allant à la gare, j’ai l’impression de traverser des galaxies où chaque individu serait un système à lui tout seul. Comment, dès lors, mépriser la moindre vie humaine comme certains peuvent le faire. Fascinant, vraiment !

mercredi 11 juin 2025

 

Mercredi 11/06/2025


Être adolescent est tout sauf l’expérience du « plus bel âge de la vie ». Ce « tout » est complexe et quantité de livres ont été écrits sur le problème, car c’en est un au sens quasi mathématique du terme. Il faut en effet résoudre plusieurs équations simultanément : comment se construire tout en trouvant sa place dans le groupe, dans la société, comment s’opposer pour être soi, tout en gardant son statut d’enfant que les adultes protègent ? Il est attendrissant et en même temps exaspérant de voir la manière dont les adolescents « font » leur place dans le collège où je travaille. C’est un jeu perpétuel d’affirmation de soi et de volonté de se fondre dans la masse, de disparaître sans remous. Cela ne peut aller sans agressivité, violence parfois jouée, parfois réelle, car le malaise crée l’instabilité. Mais quoi qu’il arrive, pour ma part, je ne peux observer cela sans beaucoup de tendresse. Le passage est délicat, les choix sont maladroits, sous couvert de complexité les attitudes sont terriblement transparentes et prévisibles. Nous, adultes, pouvons être ulcérés par tant d’inconséquence, choqués, déçus parfois, et c’est notre rôle de rappeler les limites et d’indiquer la voie de la « sagesse », mais comment ne pas être touché et ému devant ces chrysalides qui se craquellent, devant ces mues, ces métamorphoses qui ne pourront que donner des papillons merveilleux, quoi qu’il arrive.


mardi 10 juin 2025

 

Mardi 10/06/2025


S’étourdir… Voilà un long week-end qui s’achève et qui nous aura permis de nous étourdir joyeusement. Nous étourdir de lumière et de grand air, d’abord avec une journée passée en sortie scolaire, sous le soleil de juin, entre les chênes verts et les vieilles pierres. Une journée à marcher, courir, visiter, à s’étourdir d’histoire et d’activités ludiques. Nous étourdir de spectacles ensuite, avec une densité de sorties qui annonce celle du festival d’Avignon : théâtre de rue, concerts, festivals, un étourdissement de musique et de rire. Nous étourdir de retrouvailles enfin, avec des amis retrouvés à chacune de nos sorties, des ami(e)s avec qui boire une bière ou partager un repas. C’est le genre d’étourdissement qui me sied tout à fait, un étourdissement « en pleine conscience », un étourdissement sans artifice, sans béquille, un étourdissement de tout l’être pleinement lucide, un étourdissement tellement plus satisfaisant que d’autres car obtenu à la seule puissance d’une connexion clairvoyante et naturelle avec la réalité. La vie ne vaut que par ce genre de griserie en toute lucidité.

vendredi 6 juin 2025

 

Vendredi 06/06/2025


Il est toujours curieux de voir dans les yeux des étrangers qui viennent chez nous ce regard ouvert, amusé, intrigué, curieux, interrogateur, parfois blasé ou scandalisé, mais toujours avec cet intérêt qu’une autre culture fait naître. Il y a douze ans, nous avions décidé de traverser de part en part les États-Unis, de la frontière canadienne au nord des grands lacs, jusqu’à la côte du Golfe du Mexique, en Louisiane. Et nous partîmes. Nous avons dû avoir ce même regard en traversant les villages amish, avec leurs calèches noirs garées sur les parkings des Mc Donald’s, leurs dames en bonnet blanc et robe noire désuète soufflant les feuilles avec un appareil électrique aussi bruyant que celui de l’ouvrier d’entretien de notre rue, leurs gars bien bâtis, au collier de barbe impeccable et au chapeau d’un autre siècle diriger leur tracteur vers une compétition de ces engins typiquement américaine… Nous avons dû avoir ce regard intrigué… Plus loin, à Cincinnati, levant les yeux vers ces « rues piétonnes suspendues », allant en hauteur d’immeuble en immeuble, nous avons dû avoir le regard émerveillé du touriste qui découvre un univers nouveau. Et que dire de notre découverte du Mississippi « depuis la digue » ? Une demi journée passée à rester embourbés au-dessus du grand fleuve en attendant la venue de trois dépanneuses de plus en plus grosses, qui s’embourbaient aussi, avant qu’un tracteur taille XXL nous sorte du bourbier, sous nos yeux mi-effrayés, mi-amusés de vivre pareille aventure en surplomb de grands échassiers s'ébattant sur des rives marécageuses. Le regard est une façon de percevoir la réalité et on peut dire qu’en voyage le regard « passe » parfois par les oreilles, comme lorsque nous avons entendu en boucle la voix du King, sur « Radio Elvis », près de Memphis, ou comme ce rock country écouté dans un bar à Nashville, ou encore comme ce jazz des rues à La Nouvelle Orléans. Nos yeux et nos oreilles ont dû alors paraître bien ouverts aux autochtones durant ce road-trip !

jeudi 5 juin 2025

 

Jeudi 05/06/2025


Ces jours-ci le sport français nous apporte des joies collectives, une tension positive aux conséquences réjouissantes, grâce à des spectacles qui font plaisir à voir et à la satisfaction de résultats valorisants. La réussite de nos sportifs par une identification factice, peut-être, mais indiscutable, semble rejaillir sur le moral de chacun des membres de cette communauté d’histoire, de destin, de disputes et de réconciliations, de drames et d’émotions, qu’on appelle le peuple français. « Communauté », « peuple », c’est bien de cela qu’il s’agit en ce moment où sans raison valable autre que l’ambition de quelques uns à vouloir dominer les siens et les autres, les haines se déchaînent, les violences sont libérées comme la guerre du tableau de Rousseau. Le mot « ensemble » me paraît le maître mot de l’époque : il est l’idéal nécessaire auquel nous n’avons pas d’autre choix qu’aspirer, il semble être ce qui hante les esprits sans toujours se manifester clairement, il sert de repoussoir pour tout ceux qui ont intérêt à diviser ou qui préfère se laisser aller avec facilité au repli sur soi, d’autant plus douillet qu’il est protégé par la « communauté », un « ensemble » paradoxalement compris comme un obstacle au bonheur individuel, alors que, comble de l’ironie, il en est la clef. « Ensemble » est le ciment et le terme de nos constructions collectives, « ensemble » devrait être notre unique objectif, et pourtant cet « ensemble » est aujourd’hui tellement facilement mis à mal. Vive le sport (français...) !

mercredi 4 juin 2025

 

Mercredi 04/06/2025


Certains souvenirs sont plus tenaces que d’autres, c’est logique et sain : nous ne pouvons pas tout garder en mémoire comme un héros borgésien, ce serait une souffrance abominable. Le tri est indispensable à notre survie mentale. Curieusement, il me revient à l’esprit ce petit matin, lorsque j’étais adolescent, en Espagne, dans la Mancha : nous nous étions arrêtés, avec notre mini camping-car, au milieu d’un pré de belle facture, à côté d’un abreuvoir où un robinet fournissait l’eau nécessaire à la vaisselle et à la cuisson des pâtes. La soirée était paisible sous le ciel limpide devant d’infinis moutonnements de collines pelées. Il ne manquait que les moulins du Quichotte. Deux ou trois des frères avaient dormi à la belle-étoile, sur des matelas posés à même l’herbe, près de l’abreuvoir. Et au matin, quelle ne fut pas notre surprise de nous réveiller entourés de plusieurs dizaines de moutons, serrés autour de nos couchages, nous englobant dans leur foule dense et chaleureuse ! Ces moutons étaient seuls, sans berger apparent, sans chien pour veiller sur eux. Leur proximité était à la fois apaisante et inquiétante, comme ce que je ressentais à la même époque quand il fallait me mêler à une foule.

mardi 3 juin 2025

 

Mardi 03/06/2025


Notre seconde fille a reçu hier les premiers résultats de Parcoursup, de ses affectations dans des établissements d’enseignement supérieur. Prise déjà à Aix et Lille, elle n’est pas sûre d’aller dans ces deux endroits, mais elle est sûre d’avoir quelque chose. Les sentiments sont mêlés, entre joie et fierté de la voir aborder une nouvelle partie importante de son existence, et pincement au cœur de la voir nous quitter… même si depuis un an ou deux elle menait une existence largement autonome à Avignon, depuis la maison. Elle fait partie depuis dix-huit ans de notre paysage affectif et matériel, elle nous est consubstantielle, et là, c’est la grande coupure qui s’annonce. Ce sera progressif, peut-être, elle reviendra souvent, puis moins, fera sa vie, mais nous allons nous retrouver à deux pour recommencer une vie de simple couple, plus libre, plus souple, une seconde jeunesse. Mais avons-nous eu réellement le temps de vieillir ? Cet épisode de vingt-cinq ans semble avoir filé comme un TGV, avec son lot d’événements pour la plupart heureux, parfois moins, mais toujours d’une grande richesse. Notre fille est prise en fac !

 Jeudi 26/06/2025 L’eau… l’eau est retombée aujourd’hui, et cela faisait longtemps qu’il n’avait pas plu. Cette eau-là était la bienve...